Feuillets du 4 et 5 octobre 2025
Immaculée Conception
Saint-Nicolas
Saint-Hubert
Sainte-Julienne
Un jour, en sortant d’un restaurant, une femme m’a interpellé : « Comment peut-on croire encore en un Dieu bon, quand nous voyons et vivons tant d’horreurs dans le monde ? »
Ce n’était certes pas une question à traiter à la hâte, sur un pas de porte. Car elle touche au mystère du mal, qui demeure l’un des grands arguments de l’athéisme moderne. Cependant, cette angoisse n’est pas nouvelle : déjà le prophète Habacuc, dans la lecture de ce dimanche, criait vers Dieu avec des mots de révolte et de frustration:
« Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? crier vers toi : « Violence ! », sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent !» (Ha 1, 2-3).
Alors comment faire face à ce scandale ? Comment garder la foi quand, dans notre chair et dans notre histoire, le mal semble l’emporter ?
La première force, c’est de nous rappeler Celui à qui nous sommes unis par notre baptême. Jésus nous a prévenus que le monde serait dur, mais il nous a aussi demandé de lui faire confiance : “Dans le monde, vous aurez à souffrir, mais courage ! Moi, j’ai vaincu le monde” (Jn 16,33). Il n’a pas vaincu en se révoltant, mais en affrontant le mal jusqu’au bout : jusqu’à la mort, jusqu’au séjour des morts. Et par sa résurrection, il a transformé la défaite apparente en victoire définitive, triomphant du mal et du Mauvais, là même où celui-ci croyait régner.
Il nous faut aussi comprendre que l’angoisse et la frustration que nous ressentons ne sont pas incompatibles avec la foi. Jésus lui-même a connu la frayeur et l’angoisse à Gethsémani (Mc 14,33), et pourtant sa confiance en son Père est restée totale. L’angoisse est une réaction humaine ; la confiance, elle, est un choix spirituel. Les deux peuvent coexister dans un même cœur. Ainsi, la foi ne se mesure pas à l’absence de trouble intérieur, mais à la capacité de dire, au cœur même de l’épreuve : “Seigneur, je me confie à toi, j’ai confiance en toi.”
La présence du mal n’est donc pas une disqualification de la toute-puissance de Dieu ni de son amour pour nous. Elle est plutôt un appel à plonger plus profondément dans le mystère de son salut. Car Dieu le Père nous aime de la même manière qu’il aime Jésus, son Fils ! Et si Dieu nous a donné son propre Fils, ne nous donnera-t-il pas avec lui toutes choses ? (cf. Rm 8,32). Celui qui se souvient de cela et y croit ne sombrera jamais dans le désespoir.
Dieu comprend notre douleur et notre frustration face au mal. Il veut que nous croyions de tout notre cœur qu’en Jésus-Christ, il peut et veut nous sauver. À la plainte d’Habacuc, Dieu répond :
« C’est encore une “délivrance” pour le temps fixé ; elle tend vers son accomplissement, elle ne mentira pas.
Si elle tarde, attends-la : elle viendra certainement, sans retard. » (Ha 2,3)
En conclusion, pour répondre à la dame du restaurant, je dirais ceci : abandonner la foi, renoncer à croire, ne résout pas le problème du mal : l’horreur demeure. Mais croire en Jésus-Christ ressuscité, c’est notre unique espérance de voir le mal vaincu. Elle est la seule certitude qu’il existe une réponse, une solution à ce qui ronge le monde aujourd’hui.
P. Jad-Élia Nassif