la violence et la vengeance dans la bible, est-ce vraiment « Parole de Dieu » ?

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Chers Paroissiens, chers lecteurs,

Plus d’une fois plusieurs d’entre nous ont été peut-être choqués en entendant la lecture de certains textes bibliques lors des messes. Tout comme, ceux qui méditent les psaumes dans leur bréviaire ou « la Prière des heures » – comme le font non seulement les moines et moniales, mais aussi les prêtres et les diacres à certaines heures de la journée –  peut-être cette question qui m’a été posée par quelqu’un dernièrement vous a traversé un jour l’esprit  à vous aussi : pourquoi y a-t-il de la violence dans « les Saintes Ecritures », dans « la Parole de Dieu ? »

Cette violence apparait même dans la prière de certains prophètes par laquelle ils demandent au Seigneur d’intervenir et régler leur compte à leurs persécuteurs ! C’est le cas du prophète Jérémie dans cette prière étonnante à nos oreilles aujourd’hui : « Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause ». C’est clair, il crie sa détresse à Dieu tout en lui demandant de le venger !

Permettez-moi de vous donner aussi quelques extraits parmi beaucoup d’autres dans les psaumes : dans le psaume 94, le psalmiste s’adresse à Dieu ainsi : « Dieu qui venge, Seigneur, Dieu qui fais justice, parais, Lève-toi, juge de la terre ; aux orgueilleux, rends ce qu’ils méritent. »  Dans le psaume 3, il dit : « Lève-toi, Seigneur ! Sauve-moi, mon Dieu ! Tous mes ennemis, frappes-les à la mâchoire ; les méchants, brise-leurs les dents.» Ou encore dans le psaume 138, il ne cache pas son désir de violence : « Que des braises pleuvent sur eux ! Qu’ils soient jetés à la fosse et jamais ne se relèvent ! L’insulteur ne tiendra pas sur la terre : le violent, le mauvais, sera traqué à mort », enfin, dans le psaume 69 : « Qu’ils soient humiliés, déshonorés, ceux qui s’en prennent à ma vie ! Qu’ils reculent, couverts de honte, ceux qui cherchent mon malheur ; que l’humiliation les écrase, ceux qui me disent : « C’est bien fait ! ».

Donc, aussi étonnant que cela puisse paraitre, ce genre de prière est très fréquent dans les textes bibliques, un peu plus accentué dans les psaumes comme vous venez de le voir. Alors la question que certains se posent légitimement est comment prier et méditer la Parole de Dieu, d’un côté avec l’Evangile -Bonne Nouvelle- de Jésus qui, sur la croix, a prié pour ses ennemis et d’autre part avec les textes qui appellent visiblement à violence et la vengeance ?

Je comprends que nous soyons gênés de l’entendre, mais dans la bible, la plainte, le désir de vengeance et même le sentiment de haine sont des émotions qu’il est possible d’exprimer devant Dieu. En d’autres mots, tout cela est bien « Parole de Dieu » et ce n’est pas condamné dans la bible parce que, contrairement à ce que l’on croit parfois, les émotions négatives ne sont pas un obstacle à la vie spirituelle, au contraire, elles la nourrissent. Cela peut paraitre bizarre, mais l’expérience montre qu’en reconnaissant nos émotions et en les nommant, celles-ci se dégonflent et nous empêchent de passer à l’acte pour les satisfaire.

En revanche, nous savons que nier ses émotions, c’est leur donner un pouvoir plus grand encore. Voilà pourquoi la prière de Jérémie (comme les psaumes) sont de superbes outils pour traverser des moments difficiles : oser exprimer à Dieu nos émotions, y compris un sentiment de haine provisoire, la souffrance d’une trahison ou même des pensées suicidaires, cela nous empêche de vouloir nous faire justice nous-même.

On peut donc dire qu’elle est finalement très chrétienne toute prière adressée à Dieu pour solliciter son aide et son secours ! En effet, croyant en son Amour infini, nous pouvons demander à Dieu de nous venger à notre place car il le fera certainement de manière plus fine, plus ajustée et plus pédagogique que nous. Comment ? Ça c’est son affaire ! Ainsi je peux me libérer de ce sentiment qui m’habite, puisque ce n’est plus mon affaire, mais celle de Dieu. Astucieux non ?

N’ayez plus peur de prier et méditer avec les psaumes. N’ayez pas peur d’être le psalmiste d’aujourd’hui en priant le psaume ! La violence habite notre univers comme elle habitait l’univers de l’homme biblique. Violence que nous pouvons engendrer nous-mêmes et dont nous sommes responsables, violence que nous pouvons subir et qui nous ronge. Pourquoi essayer de nier cette violence ? Le psalmiste préfère la regarder bien en face : il la voit dans son cœur, il la voit dans le cœur des autres, mais il ne se fait pas justice lui-même. Il prend Dieu à témoin, car il a la certitude que Dieu ne restera pas insensible à son malheur. Cependant, il faut bien rappeler que Dieu ne s’y prend pas comme les hommes, il fera les choses à sa manière et Dieu agit toujours avec ses bonnes manières à Lui. Il écoute, Il sauve !

Disons que le prophète ou le psalmiste, tous les deux ont compris que niées, refoulées, violence et vengeance n’en deviennent que plus menaçantes. Les poser devant nous mais aussi devant Dieu, n’est-ce pas déjà ouvrir notre cœur à d’autres issues et prendre le chemin du pardon avec Jésus en croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

En définitive, sans honte ni culpabilité, oser se plaindre et dire quand ça ne va pas, oser exprimer à Dieu les sentiments négatifs qui nous hantent et lui remettre l’affaire pour s’en libérer, voilà des attitudes très utiles pour traverser nos moments difficiles.

Bon dimanche et excellent week-end à toutes et tous.

Oscar MUREKEZI, votre curé